Isabelle Lemarchand, présidente de l'AILF tire la sonnette d’alarme alors que le modèle économique des 250 points de ventes de livres français à travers le monde est à la peine
La présidente de l’Association Internationale des Librairies Francophones (AILF) tire la sonnette d’alarme alors que le modèle économique des 250 points de ventes de livres français à travers le monde est à la peine.
Les librairies françaises de l’étranger (LFE) sortent exsangues de la période de crise sanitaire et leur modèle économique est en péril, assure l’Association Internationale des Libraires Francophones (AILF), qui représente plus du tiers des 250 structures recensées à travers le monde. Dix-huit mois après la signature d’une charte avec les distributeurs français (voir ci-contre) pour améliorer les conditions d’expédition et de remises sur les ouvrages destinés en dehors de l’Hexagone, les résultats se font encore attendre. La présidente de L’AILF, Isabelle Lemarchand, qui détient depuis 15 ans la librairie La Page à Londres, tire la sonnette d’alarme du modèle économique de ces vitrines indispensables aux éditeurs et à la culture française à l’étranger.
Livres Hebdo : En décembre 2021, l’AILF, a signé une charte sous l’égide du Bief (Bureau international des éditeurs français) et du Ministère de la Culture pour que les distributeurs s’engagent à améliorer les conditions de distribution des ouvrages à destination des LFE. Cette signature a-t-elle été suivie d'effet ?
Isabelle Lemarchand : A la fin du mois d’avril, nous avons fait un deuxième point d’étape avec les signataires de la charte qui était nécessaire car très peu de choses ont bougé ces 18 derniers mois pour les libraires de l’étranger. A l’exception notable du groupe Madrigall qui a déjà engagé des efforts afin d’améliorer les délais de distribution et d’augmenter les taux de remises aux LFE, les relations avec les autres distributeurs n’ont pas évolué. Nous sortons néanmoins avec beaucoup d’espoir de cette réunion car Hachette nous a promis plusieurs annonces à venir dans les prochaines semaines et nous espérons qu’il y aura un effet boule de neige pour tous les autres : Interforum, Dilisco, Pollen, Media Diffusion…
Ces dernières années, la situation des librairies francophones s’est dégradée, notamment du fait de l’augmentation des frais d’approche et des frais de port. Qu’attendez-vous de la part des distributeurs ?
Nous attendons des distributeurs une prise en compte qualitative de notre métier, bien au-delà du simple chiffre d’affaires que l’on peut générer. Nous sommes leur vitrine à l’étranger, le maillon concret du livre français à l’international et à ce titre nous méritons un effort particulier sur les délais de distribution ainsi que des remises, car nous ne bénéficions pas d’une régulation du tarif du livre comme en France. Notre prix de vente doit tenir compte du prix du transport, des frais de douane, du taux de change, des pieds de facture, et quelquefois de remises insuffisantes. La marge en est considérablement réduite. Les efforts des distributeurs sur les délais et les prix sont nécessaires à notre modèle économique.
Quel est le modèle économique des Librairies Françaises de l’Étranger ?
C’est une question à laquelle l’AILF tente de répondre concrètement depuis quelques mois. Nous avons lancé un projet d’Observatoire des LFE, à l’instar de celui des librairies en France, afin de pouvoir connaitre, comparer et comprendre ce qui pèche dans ces business. Un chercheur réalise actuellement un audit à l’échelle de l’Europe pour définir le profil économique des librairies. En tout état de cause, si on ne connait pas encore le modèle économique type des LFE, on sait qu’il est fragile, d’autant plus qu’au contraire des librairies de France, nous avons subi la crise sanitaire sans bénéficier d’aides d’État aussi importantes et surtout sans connaitre le rebond de la sortie de crise. Cette fragilité, nous la sentons pérenne et nous avons besoin d’un soutien très important de la part de Paris.
Comment s’en sortir, au-delà des subventions exceptionnelles de Paris ?
Il y a une question qui n’est pas réglée : c’est la relation des LFE avec les instituts, les alliances, les ambassades et les lycées français de l’étranger. Elles sont souvent quasi-inexistantes alors que c’est un levier indispensable pour le maintien de notre activité. Alors que nous récupérons des aides exceptionnelles de leurs ministères de tutelle, nous constatons un manque à gagner auprès de ces structures. C’est un autre défi qu’il faut affronter au plus vite pour que le réseau des LFE perdure.