Association Internationale des Libraires Francophones

Rencontres francophones du livre audio 2023

visuelLes rencontres francophones du livre audio organisées par l’association La Plume de Paon, partenaire de l'AILF, les 15 et 16 mai 2023 à Strasbourg, ont offert une nouveauté cette année : la diversité de provenance des intervenants issus de pays francophones et non francophones (Québec, Madagascar, Tunisie, Ghana, Rwanda, Belgique) et la diversité des profils (éditeurs, libraires, représentants de plateformes, etc.) La salle comble de l’atelier Canopé 67 à Strasbourg fut le théâtre de riches échanges entre tous ces acteurs sur les conditions de distribution, de création et de diffusion des livres audio et podcasts (dits « balado » au Québec).

Si les conditions d’accès au numérique restent difficiles pour les libraires membres de l’AILF venus témoigner, les efforts entrepris sont considérables et illustrent une réelle volonté de suivre l’actualité dans ce domaine. Selma Jabbes, librairie Al Kitab à Tunis, Philippe Goffe, Pilen/AILF, Voahirana Ramalanjaona, librairie Millefeuilles à Tana/administratrice de l’ AILF et Charles André Touré, de Staytuned.io. ont participé à la table ronde consacrée à la commercialisation du livre audio. Des tendances se dessinent dans le monde : l’usage plus courant de livres audios numériques que de CD, la généralisation de systèmes d’abonnement. Pour les libraires, pour qui l’investissement est considérable, les efforts sont peu salués en termes de vente. Souvent peu visités par les éditeurs, comme le souligne Voahirana Ramalanjaona, les libraires ont une connaissance limitée de leur catalogue. Pour Philippe Goffe, président du Pilen et membre associé de l’AILF, la difficulté d’accès à la commercialisation touche tous les produits numériques dont le livre audio fait partie (l’enquête qu’il a réalisée avec Breno Aouila est d’ailleurs à présent en ligne). Le constat que nous redoutons à chaque rencontre est le même et l’ancien libraire belge le souligne en plénière, « beaucoup de nouveaux acteurs écartent la librairie qui représente, pour eux, un maillon supplémentaire et par conséquent, une moindre marge ». La généralisation des plateformes de streaming qui ne concerne pas uniquement le domaine du livre accentue ce phénomène.

Cette rencontre fut aussi l’occasion de se rendre compte que le monde du livre audio est peuplé d’entités éclectiques avec des acteurs de la chaine du livre traditionnels et de nouveaux acteurs. L’émergence de la plateforme Staytuned.io à l’échelle du territoire français en est la preuve. Celle-ci offre une plateforme en marque blanche, gratuite pour le libraire avec une offre de livre audio numériques par abonnement à leurs clients. Reste à régler, pour les libraires francophones, la question du prix et de la monnaie locale et de la territorialité. Selon Charles André Touré, si les attitudes d’achat et de vente sont liées au profil des librairies, il constate également la présence de petites librairies qui développent le livre audio. Un constat soutenu par Jean-Jacques Quinet, fondateur du studio 5 sur 5 convaincu de l’évolution du regard de libraires sur leur manière de présenter les livres audios. « Relayés un temps au fond du magasin « tels un gadget », ils sont de plus en plus mis aux côtés de livres papiers pour indiquer à quel point ils font partie du paysage ».

Autres nouveaux acteurs francophones constitués plus récemment, des plateformes organisées en start Up, comme Akoo books au Ghana, Haapa Store au Rwanda, ou celle organisée en ONG au Québec comme La puce à l’oreille, créatrice de balados….podcasts en français. AkooBooks Audio est le premier éditeur offrant aux éditeurs et écrivains africains une plateforme pour transformer leurs livres en produits audio numériques et atteindre de nouveaux lecteurs sur les appareils mobiles. Haapa Store est une plate-forme de streaming numérique permettant de conserver des créations orales africaines et de les faire partager.

Dans le cadre de présentations courtes de type " pecha kucha" (1) , Marie Michèle Razafintsalama a présenté sa maison d’édition et son travail en faveur des jeunes malgaches avec un catalogue de 100 titres contenant des titres francophones et franco-malgaches. Un travail mené à distance notamment avec les associations qui ne sont pas forcément sur place ; l’apprentissage du français étant parfois problématique du fait de la non-généralisation du français. Il est, à ses yeux, difficile d’être « éditeur sans promouvoir la lecture à Madagascar ». La création de son association APLEM avec des animations en plein air en lien avec des bibliothèques de quartier pour toucher plus d’enfants notamment en situation de handicap visuel ou auditif ou dans des centres hospitaliers, illustre pleinement la pertinence de ce type d’outils dans de tels environnements.

Une seconde journée, outre des présentations d’actions organisées par des Alliances et Instituts français dans le monde (Brésil, Inde, Barcelone, Bizerte, Djerba), s’est centrée sur deux thématiques relevant plus de la technologie, mais essentielles. La première s’est attachée à débattre de la qualité d’écoute des livres audio, et c’est en effet une question de savoir-faire technique, et de dialogue avec les « voix » des comédiens. Et la seconde, passionnante, a traité des enjeux considérables posés par l’arrivée de l’intelligence artificielle face à la voix humaine.

Anne Lise Schmitt, déléguée générale de l'AILF

(1) Pecha kucha : expression japonaise (ぺちゃくちゃ) pouvant se traduire par « son de la conversation » ou « bavardage », désigne par extension un format de présentation synchronisant un propos oral à la projection de 20 diapositives se succédant toutes les 20 secondes (de préférence sans effets d'animation (source : Wikipédia)