Librairie Mille Feuilles – Antananarivo – Madagascar
Par Voahirana Ramalanjaona
En temps de confinement : une adaptation à la crise par des mesures internes à la librairie
Aucune mesure n’a été prise pour les librairies à Madagascar. Nous avons par conséquent fermé la librairie pendant le confinement total. La circulation était interdite pour tout le monde et les mesures imposées : fermeture de tous les commerces mais interdiction aux patrons de faire du chômage partiel ou technique. Le personnel était donc en congés mais a touché un salaire plein jusqu’au 8 mai car le chômage partiel a été décrété à partir du 9 mai. On mesure ainsi à quel point l’impact économique sur la librairie est catastrophique, et à quel point il en va de la survie de la librairie.
Des initiatives prises au sein du groupement de femmes entrepreneuses
Le secteur de la culture n’étant pas important aux yeux du gouvernement, je me suis rapprochée du groupement des femmes entrepreneures qui a adressé de nombreuses doléances aux bailleurs de fond comme à l’ensemble des banques. Ainsi, nous avons obtenu le report des échéances bancaires. Nous attendons la réponse des bailleurs de fond quant à leur participation aux charges patronales.
Un déconfinement sous haute surveillance
Le déconfinement partiel a commencé le lundi 4 mai dernier avec une autorisation d’ouverture en matinée. Le couvre-feu est maintenu de 21h à 5h du matin. Le port du masque est obligatoire pour tous et les transports en commun fonctionnent jusqu’à 15h. Les horaires d’ouverture de la librairie ont été fixées de 8h30 à 13h. Deux masques en tissu ont été distribués à chaque membre du personnel qui doit s’enduire de gel hydro alcoolique à l’arrivée comme après chaque contact avec un client. Une annonce est affichée à l’entrée de la librairie demandant à chaque client d’entrer avec un masque et de se laver avec le gel obligatoirement. La femme de ménage nettoie les poignées de porte et les rampes d’escalier après chaque passage d’un client et un diffuseur d’huile essentielle de ravintsara est disposé au comptoir caisse.
La communication de l’ouverture s’est faite essentiellement sur facebook et par email aux clients fidèles, cependant aucune commande n’est possible dans la mesure où le transport aérien est à l’arrêt. La principale crainte est le fait que les clients touchent les livres, mais nous ne pouvons pas vendre sans permettre aux clients de chercher parmi les rayons car nous n’avons pas de nouveautés.
Les leçons de cette crise sont nombreuses
La plus grande surprise est de constater que la clientèle est changeante en période de crise, la priorité n’est pas à l’achat de livres et nous n’avons pas eu la solidarité que nous attendions.
Les relations avec les fournisseurs sont très disparates, ils ne réagissent pas de la même manière. Quant aux administrations publiques et privées, cette crise fut l’occasion de mesurer la mauvaise foi des institutionnels et des banques : le critère politique prime sur l’humain. Nous remercions certes l’aide du CNL pour l’aide apportée à la librairie mais j’aurais souhaité que cette démarche vienne aussi des institutions culturelles et scolaires françaises locales...
Cette crise a rappelé brutalement combien l’économie d’une librairie est fragile car on se cachait souvent les yeux au profit de la passion. Il fut très difficile de demander de l’aide sans avoir l’impression de mendier et c’est vraiment humiliant de devoir justifier les besoins tellement la situation est irréelle. Comme quoi, la passion ne suffit pas face au règne de l’argent ...