2012 / Etat des lieux des librairies de Djibouti
En mai 2012, l’AILF a mené une double mission à Djibouti qui s’inscrivait dans la continuité du travail effectué depuis des années dans la zone Océan Indien. Cette mission de quatre jours effectuée par Agnès Debiage, libraire en Egypte, comprenait un état des lieux de la librairie et de la distribution du livre francophone à Djibouti et un accompagnement individualisé de la librairie Victor Hugo.
L’étude du marché local par Agnès a permis de mieux connaître les deux libraires sur place qui assurent une visibilité au livre francophone. La librairie Victor Hugo, dirigée par Mme Arafo Saleh, fidèle adhérente à l’AILF et qui a participé à deux reprises à des formations sous-régionales à Madagascar ; et la librairie Discorama, appartenant à M. Kalpesh, idéalement située en plein cœur de la ville. Deux librairies très différentes et très complémentaires finalement qui semblent se partager en bonne intelligence le marché local. D’autant que le marché du livre à Djibouti est restreint. Le lycée français Kessel commande en direct en France la plupart de ses manuels. L’Institut Français Arthur Rimbaud procède de la même manière, même si de petites commandes sont occasionnellement passées auprès des libraires localement. Le ministère djiboutien de l’Education nationale, dans le cadre de sa réforme, a décidé d’éditer ses propres manuels. Les débouchés commerciaux des deux libraires sont donc extrêmement limités.
Djibouti compte une forte communauté française de par la présence d’une grande base militaire, mais celle-ci semble acheminer via son courrier interne tous les achats par Internet des familles françaises qui y sont rattachées. Il existe donc une réelle concurrence pour ces libraires des sites de vente en ligne. Malgré des conditions particulièrement compliquées, les deux libraires locaux continuent à se développer. La librairie Discorama offre notamment une vraie sélection en littérature alors que la librairie Victor Hugo est plus spécialisée sur des fonds scolaire, jeunesse, apprentissage des langues, etc. Les deux libraires sont très demandeurs en formation et affichent une volonté d’évoluer, de se professionnaliser, de faire partie d’un réseau reconnu.
Dans le cadre de cet état des lieux, Agnès Debiage a également rencontré la direction de l’Institut Français et du lycée Kessel, pour bien comprendre les collaborations possibles localement entre ces différents acteurs de la francophonie. L’Institut Français a été sensibilisé à l’importance de passer une partie de ses commandes localement pour aider au développement de structure locales qui œuvrent toute l’année pour la promotion et la visibilité de la production éditoriale française, plutôt que chez des groupeurs en France, dépourvus de toute mission culturelle et toute attache locale. Le Lycée Français a accepté que les deux librairies de la ville soient citées sur la liste des ouvrages scolaires que les élèves doivent acquérir pour la rentrée prochaine. Le directeur s’est également montré favorable à l’organisation d’une grande journée autour du livre durant laquelle les libraires pourraient venir vendre leurs ouvrages au lycée. Jusqu’alors les collaborations entre le Lycée Français et les libraires francophones étaient plus que timides.
Cette mission a Djibouti a donné lieu à la rédaction d’un rapport de l’AILF pour le Centre national du Livre détaillant tous les aspects de l’état des lieux.
Le deuxième objectif de ce déplacement était une mission d’accompagnement de la librairie Victor Hugo. Arafo Saleh fait partie des adhérents de l’AILF depuis plusieurs années, elle a suivi deux formations sous-régionales à Madagascar, mais ses besoins en formation étaient très différents de ceux de ses confrères de la Grande Ile. L’AILF a donc consacré trois journées entières de formation personnalisée à cette libraire qui ont permis de travailler sur l’agrandissement de la librairie Victor Hugo, son réaménagement, sa communication avec notamment l’utilité des outils Internet et d’un réseau comme Facebook pour sa promotion à grande échelle. La diversification de son offre, ses points forts et ses points faibles, la présentation de son dossier de demande d’agrément Librairie Francophone de référence pour le CNL ont aussi été étudiés. Un emploi du temps riche et passionnant qui a également permis à cette libraire, quelques jours durant, de se sentir moins isolée dans son petit territoire de Djibouti, à plusieurs milliers de kilomètres de la France, centre de production de tous les ouvrages qu’elle commercialise.
Cette double mission à Djibouti était très importante et symbolique pour l’AILF. En effet, Arafo Saleh qui nous avait demandé d’intervenir, est une adhérente motivée et convaincue à l’AILF. Elle ne s’est jamais placée dans la position passive d’attendre tout de notre association. Au fil des années, par son engagement et le paiement régulier de sa cotisation, elle a affiché sa volonté de faire partie d’un réseau de libraires professionnels. D’année en année, elle nous a informés sur les évolutions de son marché, de sa librairie ; avec patience elle a réussi à convaincre l’AILF que nous devions intervenir à Djibouti et l’AILF, forte de ces informations, a obtenu un financement spécifique du CNL pour cette mission.
Une très belle expérience d’échanges qui illustre la philosophie de l’AILF.