Association Internationale des Libraires Francophones

2012 / Bilan des Rencontres d'Abidjan

Les 10 et 11 novembre 2012, 18 libraires (12 d’afrique de l’Ouest et 6 d’afrique Centrale) encadrés par 4 intervenants membres de l’AILF et la directrice d’Afrilivres ont pu échanger en l’espace de deux jours sur les enjeux de la librairie de demain : nouveaux marchés, nouveaux publics, nouveaux lecteurs, nouveaux outils et sur les éléments qui caractérisent la librairie telle qu’elle est aujourd’hui.

Expériences dans les relations avec les institutionnels, les relations avec les éditeurs français et africains en général et en particulier avec Afrilivres, l’association des éditeurs francophones du sud du Sahara. Le rôle du libraire en tant qu’agent culturel a fait l’objet de nombreux échanges lors de la deuxième journée autour de plusieurs questionnements : Comment construire une animation littéraire selon un choix de livre spécifique ? Comment faire un véritable travail de sensibilisation à la lecture et à la littérature dans des zones reculées?

Toutes ces questions sont au cœur de l’organisation de la caravane dont on marquera les 10 ans en 2014 et qui souhaite apporter des éléments qualitatifs et quantitatifs plus précis sur l’impact réel de l’opération sur la population africaine.

Nouveaux outils, nouveaux services, nouveaux publics, nouveaux marchés en Afrique

Si plus de 50% des librairies présents à ce séminaire ont un site, toutes ne sont pas encore informatisées. Seuls deux libraires font de la vente en ligne (Rwanda et la Cote d’Ivoire) et un seul propose de la vente de revues en format numérique (Rwanda) en partenariat avec une plateforme anglophone. Principaux obstacles évoqués par les libraires : paiement sécurisé, gestion des réclamations, cout d’un informaticien en permanence. 

La principale concurrence ne vient pas tant d’Amazon mais de vendeurs occasionnels non agréés ou de projet comme On Demand books qui attirent fortement les universités ou bibliothèques nationales sous prétexte de faciliter l’accès à des ouvrages sans réfléchir à sa répercussion négative sur l’ensemble des acteurs de la chaine du livre.
Les libraires font preuve toutefois d’initiatives en développant parfois la vente chez d’autres commerçants (hôtels, salons de beauté), lors d’opérations spéciales, en proposant des services spécifiques (location de salles, sélection d’ouvrages dans la presse, ateliers culturels) ou en vendant d’autres produits (papeterie, artisanat, presse, informatique).

Un marché est à reconquérir, celui des appels d’offres et commandes institutionnelles dont les montants élevés ne sont pas accessibles aux libraires et nécessitent une parcellisation en lots et une approche plus qualitative. Pour les ouvrages prescrits, éditeurs, parents d’élèves et établissements scolaires doivent davantage passer par les libraires pour consolider la chaine du livre locale et amener les lecteurs à s’ouvrir à d’autres champs que le scolaire ou le prescrit.
Tout le dispositif d’aide de pouvoirs publics français et en particulier du Ministère de la culture et de la communication (CNL et Centrale de l’Edition) a été représenté pour accompagner les efforts de libraires dans leur recherche de nouveaux outils, nouveaux services, nouveaux publics en Afrique.


Encourager les relations éditeurs – libraires ; valoriser le rôle du libraire comme agent culturel

La solidarité interprofessionnelle est sans aucun doute, la plus précieuse manière de développer des marchés afin de faire valoir les objectifs similaires de ces acteurs : défendre un fonds, un auteur, à la recherche de lecteurs pour encourager le gout à la lecture et à la littérature. Les libraires vont capitaliser les expériences prometteuses de rencontres avec des auteurs mais ont besoin de plus d’informations de la part des éditeurs pour monter une animation de qualité – contenu éditorial et visuel sur l’auteur surtout s’il est peu connu, propositions de thématiques de conférence débat ou d’ateliers d’écriture avec des scolaires. Un des enseignements de ce séminaire est de constater que c’est davantage avec le service éditorial que ces aspects doivent être abordés. Des informations réciproques sur les indicateurs des meilleures ventes sont attendues des deux cotés, restent à voir comment le mettre en pratique. Autre piste, s’appuyer sur l’expertise et le travail d’Afrilivres et sur sa capacité à créer un catalogue commun et à fédérer les commandes de libraires, tout en proposant un système de distribution adapté au marché interafricain et en ce sens La poste semble proposer des avantages très intéressants.

La Caravane : observatoire de pratiques de lecture en Afrique

C’était bien là un des enjeux de ce séminaire de mesurer la possibilité de l’AILF de transformer cette opération emblématique en Afrique -qui marquera sa 10ieme année en 2014- en un laboratoire d’expériences sur les pratiques de lecture. Si elle a connu des passages difficiles (compte tenu de la situation politique de certains pays et d’une situation économique tendue pour les librairies), l’annualité de l’opération a été remis en cause, mais de nouveaux pays participent comme la Mauritanie depuis 2011, la Guinée et Djibouti pour 2013 auxquels devraient s’ajouter au second semestre le Rwanda, la RDC, et le Burundi.

Les partenariats locaux pourraient être à développer car dans de nombreux pays (Tchad, Côte d’Ivoire, Mauritanie) elle a permis d’associer une crédibilité en termes d’animations culturelles et de légitimer de nouveaux financements locaux. Des financements qui ne se développeront qu’avec les éléments précis sur l’impact de l‘opération et sur lesquels les libraires sont revenus dans le cadre de ce séminaire.
Parmi les éléments mis en avant, ceux quantitatifs : cout total des commandes, Chiffre d’affaires, nombre de titres en plus, nombres de volume, nombre de personnes touchées, de villes atteintes et ceux qualitatif : exemples d’appui et courriers des ministères de la Culture, des collectivités locales, témoignages des partenaires, d’enfants et auteurs, reportages audio et visuel, identification de nouveaux lecteurs en zones isolées grâce à une « enquête de fréquentation », auteurs découverts.

Un projet de Caravane en Afrique centrale est né de cette rencontre. Il pourrait voir le jour en octobre 2013. Il serait co organisé avec Sembura (ONG Suisse dans les grands lacs visant à dynamiser la lecture et le livre dans cette région qui comprend le Rwanda, Burundi, la RDC et venant de publier une très belle anthologie en 2012). Les libraires émettent un rêve, le rêve d’Abidjan : le livre existe mais il y a un indispensable besoin de soutien à la promotion.